mercredi 6 août 2014

Pouvons nous être sur qu'Israël négocie avant de lancer une opération militaire ?

Quand je fais une rétrospective historique des guerres menées par Israël, il y a cette question qui me revient à chaque fois :

Ont-ils négocié avec l'ennemi ou le pays voisin avant de déclencher une opération militaire de grande envergure ????
Bon en fait les grandes opérations militaires israéliennes c'est quoi ?
Alors là, je vais prendre plusieurs exemples dans lesquelles TSAHAL pénètre dans un territoire souverain sans que l'on ait entendu de pourparlers préalables (en fait c'est récurrent.....):



  
  • La bataille de Karameh en Jordanie => 21 Mars 1968 (dans cet article)
  • L'opération Paix en Galilée au Liban  => 6 Juin 1982
  • L'opération Raisins de la colère au Liban => du 11 au 26 Avril 1996
  • Et enfin "Changement de direction" au Liban => guerre de Juillet 2006

 1 - La Bataille de KARAMEH (petite ville jordanienne à la frontière israélienne) 

PS : ne pas se fier à wikipédia, c'est un tissu de conneries  !!!



Brève incursion israélienne en territoire jordanien, la bataille de Karameh a incontestablement constitué une défaite tactique pour les forces jordaniennes et pour le Fatah de Yasser Arafat. Cependant, les pertes sévères causées à l’assaillant l’ont transformée en une victoire stratégique, car elle a durablement renforcé l’Organisation de libération de la Palestine.
L’excès de confiance des chefs politiques et tactiques israéliens a à la fois contribué à restaurer la confiance de la Jordanie en son armée, et permis à la résistance palestinienne de s’ériger en acteur incontournable du conflit proche-oriental.
L’exploitation médiatique de la bataille par le Fatah lui donne encore, quatre décennies plus tard, une dimension mythique dans le monde arabe.

Une situation conflictuelle

Un an après la guerre des Six Jours et le triomphe israélien
Menée à l’initiative d’Israël en juin 1967, la guerre des Six Jours a été une immense défaite pour les pays arabes coalisés1. La Jordanie2 y a notamment perdu la Cisjordanie, environ un cinquième de son territoire.
En 1968, les dirigeants de ces pays sont encore un peu plus repliés sur eux-mêmes et occupés à reconstruire leurs forces armées.
Les chefs de la cause palestinienne ont compris que les nations arabes ne pourraient pas libérer la Palestine à leur place, et qu’il leur faudrait former leur propre armée.
Quant aux dirigeants politiques et militaires israéliens, ils sont dans une spirale de confiance: sûrs de leurs choix en politique extérieure, ils considèrent que Tsahal est pratiquement invincible dans la sous-région.

La réponse terroriste palestinienne
En 1968, les déplacés palestiniens de Gaza et de Cisjordanie constituent depuis longtemps déjà une préoccupation pour la communauté internationale. Réfugiée hors d’Israël en 1948, une grande partie d’entre eux subit l’occupation à la suite de la guerre des Six Jours. En réponse à l’occupation israélienne, quatre cent mille Palestiniens cherchent refuge au Liban et en Jordanie, pensant pouvoir un jour rentrer chez eux. Ils sont confortés dans leur démarche par la résolution 242, adoptée le 22 novembre 1967 par le conseil de sécurité de l’ONU, qui demande le retrait des territoires occupés.
En janvier 1968, Yasser Arafat, le chef du Fatah, principal mouvement de résistance palestinienne, choisit Karameh, un village d’environ trois cents foyers, en Jordanie, pour y établir son quartier général. Karameh abrite depuis près de quinze ans un camp de réfugiés palestiniens et, surtout, il se situe à moins de dix kilomètres du pont Allenby, seul point de passage autorisé par Israël entre la Cisjordanie et la Jordanie. Dès février 1968, les incursions et les actions clandestines des combattants palestiniens, principalement d’Al-Assifa, la branche armée du Fatah, se multiplient en direction des territoires occupés. Ce terrorisme provoque des représailles israéliennes qui nourrissent la spirale de la violence dans les deux camps. Le 18 mars 1968, une attaque menée par Al-Assifa contre un car scolaire hébreu cause la mort de deux enfants et fait de nombreux blessés. Elle constitue l’attentat de trop pour le gouvernement de Levi Eshkol.

Les forces en présence
  • Tsahal
Excédés, les dirigeants israéliens décident d’une riposte rapide et massive. Ils confient à l’état-major l’élaboration d’une opération militaire aux buts clairs: détruire le camp de Karameh, neutraliser le plus grand nombre possible de fedayins et capturer les chefs de la résistance palestinienne. Cette opération doit également permettre d’établir une tête de pont sur la rive orientale du Jourdain, en territoire jordanien, afin d’intimider le Roi Hussein qui laisse, selon Israël, trop de liberté aux Palestiniens.
Moshe Dayan
 Le ministre israélien de la défense, Moshe Dayan, confie au Général Gonen le commandement d’une force ad hoc, du volume d’une brigade interarmes, regroupant environ six mille cinq cents hommes et cent vingt chars, appuyés par un bataillon d’artillerie à quatre-vingts pièces, un bataillon du génie et deux escadrilles de chasseurs bombardiers.
Général Shmuel Gonen
Divisée en trois groupements blindés, cette brigade doit entrer en Jordanie par les trois ponts sur le Jourdain: le groupement nord par le pont de Damya, le groupement centre par le pont Allenby, et le groupement sud par le pont Abdallah. Tandis qu’un bataillon de parachutistes doit être héliporté à l’est de Karameh, un quatrième détachement blindé, de moindre importance, a pour mission de mener diversion au sud de la mer Morte, afin de fixer une partie des forces jordaniennes.

  • Le Fatah

Drapeau du FATAH
Les Palestiniens représentent une force d’environ cinq cents hommes, équipés d’armes légères, de grenades et d’explosifs, retranchés depuis plusieurs mois dans le village. Ces fedayins ne sont pas tous des combattants expérimentés; seule une petite frange d’entre eux fait partie des commandos terroristes opérant en Israël. Plus de la moitié des partisans d’Arafat sont des adolescents manquant d’entraînement militaire, mais exaltés et prêts au sacrifice.



  •  Forces jordaniennes
La Jordanie est tenue à une grande solidarité avec les Palestiniens, qui constituent en 1968 près de la moitié de sa population.
La région d’As-Salt est sous la responsabilité de la 1ère division d’infanterie du Général Haditha, forte de sept mille hommes, de quatre-vingts chars et d’une centaine d’obusiers. Bien entraînée, cette unité est équipée de matériels équivalents à ceux de Tsahal, exception faite des hélicoptères. Déployée à moins de vingt kilomètres de la frontière, la 1ère division d’infanterie repère dès le 18 mars 1968 la montée en puissance israélienne à Jéricho et sur toute la rive ouest du Jourdain. Le 20 mars, le chef d’état-major jordanien et le Général Haditah rencontrent Yasser Arafat et lui demandent, en vain, de replier ses troupes dans les collines à l’est de Karameh. Arafat, décidé à prouver à la communauté internationale la détermination de la résistance palestinienne, rentre sur-le-champ à son quartier général et met en alerte ses fedayins.

 Déroulement


De cinq heures à midi: une offensive blindée sans profondeur
Le 21 mars à l’aube, les trois groupements israéliens s’ébranlent, sans préparation d’artillerie afin de préserver autant que possible l’effet de surprise. Sûr de la victoire, Moshe Dayan, accompagné de journalistes et d’équipes de télévision, se tient sur la rive ouest du Jourdain, près de Jéricho, pour observer Karameh.
Le temps est brumeux, et l’opération héliportée vers le village est retardée d’environ trois heures. Le terrain est défavorable à l’action offensive, car la large vallée est boueuse et les mouvements facilement décelables depuis les coteaux jordaniens.
À 7H, les garde-frontières jordaniens sont balayés, les trois ponts sont conquis et les unités blindées prennent pied sur la rive est. Mais l’artillerie jordanienne les surprend en déclenchant son feu depuis les hauteurs surplombant Shunat et Karameh.
L’appui aérien israélien est alors déclenché; cependant les avions ne parviennent pas à faire taire les canons jordaniens, habilement positionnés sur le terrain et solidement défendus par la DCA. Sur décision du Roi Hussein, qui avait vu tous ses avions détruits durant la guerre des Six Jours, l’aviation jordanienne, pourtant prête à agir, n’intervient pas dans la bataille.
Dès 7H30, deux bataillons blindés jordaniens se portent dans la vallée du Jourdain et engagent le combat à hauteur des ponts Allenby et de Damya.
À 8H30, le bataillon parachutiste israélien est héliporté à quatre cents mètres à l’est de Karameh et essuie immédiatement le feu des défenseurs palestiniens. Sa progression vers le village est laborieuse.
De 12H à 21H : un combat urbain meurtrier
Quelques minutes avant midi, alors que les unités blindées s’affrontent encore près des ponts au nord et au centre du dispositif, le bataillon parachutiste israélien entre dans Karameh, appuyé par une dizaine de blindés et autant d’hélicoptères équipés de mitrailleuses. Face à eux, se trouvent près de quatre cents Palestiniens, une compagnie d’infanterie et quatre chars jordaniens.
La résistance arabe est farouche: durant la première heure de ce combat au corps à corps, plusieurs Palestiniens munis de ceintures d’explosifs se lancent contre les blindés israéliens. Ces attaques suicides sont parmi les premières du genre au Proche-Orient. Les maisons sont fouillées à un rythme très lent; rares sont les Arabes qui se rendent. Devant l’âpreté des combats, les autorités israéliennes font quitter Jéricho aux journalistes vers treize heures.
À quatorze heures, le groupement blindé centre fait jonction avec les parachutistes dans Karameh désormais conquis. Les groupements nord et sud sont, quant à eux, fixés par des contre-attaques jordaniennes.

Peu avant 15H, les troupes israéliennes stoppent leur offensive et entreprennent la destruction à l’explosif du camp palestinien et des édifices publics du village. À partir de dix-sept heures, les troupes israéliennes commencent à se replier en bon ordre. À vingt-et-une heures, la brigade interarmes a regagné la rive occidentale du Jourdain.

Pertes
Il est encore difficile aujourd’hui de trouver un bilan chiffré qui ne surestime pas les pertes de l’un ou l’autre des camps après la journée
du 21 mars. En croisant les sources, on obtient l’estimation ci-après:
Tsahal compte 30 tués, 70 blessés, quatre chars et un avion (un chasseur-bombardier Phantom) perdus.
Pour sa part, l’armée jordanienne recense une centaine de tués, 150 blessés, 13 chars et deux obusiers détruits.
Ce sont les fedayins d’Arafat qui paient le plus lourd tribut, avec 130 morts et autant de blessés pour la plupart faits prisonniers.
israéliennes commencent à se replier en bon ordre. À vingt-et-une heures, la brigade interarmes a regagné la rive occidentale du Jourdain.

Enseignements et exploitation médiatique
L’excès de confiance israélien
Dans les jours qui suivent, et jusqu’à aujourd’hui, les dirigeants israéliens ne communiquent que très peu sur l’opération. Leur ligne de conduite consiste à affirmer que le camp palestinien abritant des terroristes a été rasé, et donc l’objectif partiellement atteint, mais ils ne diffusent pas leurs pertes. Les chefs tactiques n’ont bénéficié ni de la surprise ni d’un terrain favorable à l’offensive. Ils ont sous-estimé les capacités jordaniennes, en particulier celles de l’artillerie. Le rapport de forces ne leur a été que localement favorable, principalement grâce à l’emploi de l’aviation et des hélicoptères.

L’émergence d’un chef de guerre
Yasser Arafat a pris part aux combats. Il a quitté Karameh peu après midi et s’est replié dans la ville de Salt. À vingt heures, il prend lui-même la parole à la radio jordanienne pour revendiquer la victoire et une «débandade israélienne». Dans les jours qui suivent, il organise pour ses fedayins tués des funérailles officielles à Amman. Il demeure le principal bénéficiaire de l’exploitation médiatique de la bataille. Son aura de chef de guerre est née le 21 mars 1968. Durant la décennie qui suit, elle ne cesse de se renforcer. Si l’on excepte son évacuation de Beyrouth le 30 août 1982, jamais Arafat ne sera passé aussi près de la capture.



Le sacrifice de nombreux fédayins provoque un effet fédérateur considérable chez les Palestiniens, au bénéfice direct du Fatah: fin 1968, il a décuplé ses effectifs, qui passent de mille à plus de dix mille militants. Plusieurs États arabes et maghrébins donnent alors à Yasser Arafat le statut de chef d’État en exil; il acquiert de fait une dimension internationale. D’autre part, le financement du Fatah est assuré à long terme: les dons affluent, et les pays arabes recevant des ressortissants palestiniens en exil les contraignent à payer des impôts spéciaux, qui financent l’Organisation de libération de la Palestine.
En 1969, Yasser Arafat prend la présidence de l’OLP. Grisé par ses succès, il va, lui aussi, se laisser aller à un excès de confiance et tenter de renverser le Roi Hussein en 1970.
Le Roi hussein de jordanie
La force morale arabe restaurée
«Nous sommes tous des fédayins». Prononçant cette phrase lors de l’enterrement des combattants musulmans, le Roi Hussein associe son peuple à la cause palestinienne. Durement frappée, la Jordanie se voit pourtant créditée de la «première victoire arabe contre Israël» grâce aux médias du monde arabe qui proclament que le pays a repoussé une véritable tentative d’invasion. Les pertes israéliennes sont mises en avant pour prouver aux vaincus de 1967 que Tsahal n’est pas invulnérable. La frustration liée à la guerre des Six Jours, puis cette reprise de confiance amorcée en 1968 permettront aux Arabes de reprendre l’initiative en 1973, en lançant le 6 octobre l’offensive du Kippour.
Impact sur l’opinion publique internationale
Dans la presse internationale, et en particulier occidentale, l’événement est le plus souvent qualifié de bain de sang. L’opposition asymétrique entre une armée très bien équipée et des volontaires combattant avec la force du désespoir génère un élan de sympathie pour la cause palestinienne.
Le retentissement est cependant variable en fonction des pays: les États-Unis sont préoccupés par la guerre du Viêt-Nam et l’écho y est relativement faible, tout comme en France où l’agitation sociale qui débouchera sur mai 68 mobilise l’attention.


Conclusion
Rapportée aux vingt ans de conflit ouvert entre Israël et ses voisins, la bataille de Karameh n’en constitue pas un épisode majeur. Mais sa portée symbolique aura été considérable dans le monde arabe: c’est pourquoi elle demeure au XXIème siècle l’objet de relectures diamétralement opposées.
Elle a aussi été un théâtre d’expérimentations.
Certaines techniques de combat, jusqu’ici inédites dans l’affrontement entre Israël et ses voisins, y ont été employées. Ainsi en est-il des attaques suicides, perpétrées par les Palestiniens non dans le cadre du terrorisme mais dans celui du combat urbain. Tsahal y a pour sa part mis en oeuvre la destruction systématique des lieux de vie, sanctuaires des Palestiniens. À Karameh, les sapeurs israéliens ont utilisé des explosifs. Par la suite, ils n’ont cessé d’innover dans ce domaine et utilisent à présent des bulldozers blindés, parfois télé-opérés, capables de raser des maisons de plusieurs étages.

Enfin, la bataille de Karameh présente certaines similitudes avec la campagne menée à l’été 2006 par Israël contre le Hezbollah en territoire libanais. Le protagoniste le plus faible en sortit considérablement grandi et renforcé sur la scène régionale et internationale. En 1968 comme en 2006, il y eut trois forces en présence. Dans les deux cas, deux armées nationales et une organisation armée non-étatique: Tsahal contre le Fatah et les forces terrestres jordaniennes d’une part, Tsahal contre le Hezbollah et les forces armées libanaises d’autre part.

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